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18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 17:20

IMGP9837.jpgPar Mathieu Dehoumon

 

Du 15 au 16 octobre 2012, s’est tenu à l’Université d’Abomey-Calavi (Bénin) un colloque organisé par la Faculté de Droit et des Sciences Politiques (FADESP) de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) et la Faculté de Droit, d’Administration et de Communication de l’Université de Toulouse 1 – Capitole (France). Cette rencontre a été une occasion de riches échanges entre les communicateurs, les enseignants et les étudiants mobilisés par l’intérêt du thème : « La dot et le mariage en Afrique ».

 

Démarré par une leçon inaugurale intitulée « Mariage et participation à l’activité professionnelle – problématique générale » et présentée par le professeur Francis Bestion[1], ce rassemblement d’universitaires français et béninois a été animé autour de quatre principaux panels très pertinents et complémentaires qui ont donné l’opportunité de réfléchir sur la nature de la dot et la conception du mariage, la fonction de la dot et du mariage, la restitution de la dot et, l’approche comparative de la dot et du mariage.

 

En effet, le premier axe de réflexion a permis d’analyser la « nature de la dot et conception du mariage en Afrique » en trois phases. D’abord, un examen des intérêts et perspectives du mariage monogame dans le droit positif béninois proposé par M. Hospice D. Ahouandjinou[2] a permis de faire un état des lieux de la question. Ce préalable a ensuite ouvert le champ à la relecture, opérée par M. Désiré Aïhou[3], de l’évolution du mariage des indépendances à nos jours. Dès lors, il importe enfin, pour M. Igor Guèdègbé[4], d’apprécier le contenu de la dot au Bénin et d’en conclure qu’au Bénin, la dot a un contenu variable à maints égards. La nature de la dot et du mariage suscite ainsi la question de la fonction de ces deux institutions.

 

Le deuxième axe de réflexion, portant sur la « fonction de la dot et du mariage », a été alimenté par quatre communications. Il a ainsi fallu à M. Denis Tindo[5] de prendre position face à la délicate question du caractère éventuellement superflu du symbolisme juridique de la dot dans le Code béninois des personnes et de la famille. Ce symbolisme maintenant malgré tout l’institution dotale dans le système juridique béninois, il revenait à M. Mathieu Dêhoumon[6] qui, relevant les liens ou rapports de droit existant entre Egalité – Dot et Mariage, de montrer que la dot fonde le mariage, que le mariage exige l’égalité entre les époux et que le principe d’égalité devra éclairer le principe dotal. Contribuant à la théorie des ruptures et des continuités juridiques en Afrique, le professeur André Cabanis[7] qui analyse, quant à lui, le statut de la dot coutumière dans la période coloniale, s’en tient au caractère culturel de l’institution et recommande la cessation des pratiques qui relevent plus de la loi du marché que de la tradition. C’est alors que Mme Lidvine Dossou[8], examinant l’impact de la pratique dotale sur l’ordre public béninois, relèvera que la première doit respecter le deuxième pour une harmonie sociale. Ainsi, la dot et le mariage demeurent des institutions encore vivantes en Afrique où elles forgent l’identité de ses populations. Peut-on alors envisager une fin aux liens que fonde la dot ? La préoccupation impose d’analyser la question du remboursement de la dot en Afrique.

 

En effet, le troisième axe de réflexion qui concerne la « restitution de la dot » a pris deux orientations. D’abord, il était nécessaire de préciser le statut que confère la dot à la femme en Afrique, et, M. Camille Fassinou[9] introduit à cet effet le débat sur la dot et le statut de la femme en retenant que la dot ne peut être vue comme la dévalorisation de la femme africaine puisqu’il est possible de la rembourser, dans certaines situations, à la famille créancière. C’est ce que M. Michel Chacha[10] a illustré en s’appuyant sur le cas de la dissolution du mariage à travers sa communication sur la dot le divorce. La dot confère donc à la femme le statut de femme mariée ou d'épouse acceptée et intégrée dans sa belle famille, sa famille d’accueil à qui la coutume laisse la possibilité d’exiger le remboursement de la dot si le but ultime de son versement venait à manquer. On peut enfin se fonder sur ces divers éléments d’analyse pour apprécier l’importance de la dot et du mariage dans différentes aires culturelles et religieuses africaines.

 

C’est ce dernier axe de réflexion qui oriente quatre communications sur une « approche comparative de la dot et du mariage ». Le professeur Olivier Devaux[11] s’appuie sur l’exemple du cercle de Ouahigouya pour mettre l’accent sur la stratégie du colonisateur dans sa volonté de subordonner la validité du mariage au consentement des époux. Le colonisateur, pour rédiger les Coutumiers africains, a organisé des campagnes de collectes de données qui reconstituent difficilement les intentions et arrières pensées des peuples africains. C’est ce qui a amené M. Arnaud Houédjissin[12], traitant de la dot et du mariage comme des rites de légitimation et des obligations quasi-contractuelles dans l’aire culturelle ‘‘fon’’, à considérer que la formation du mariage chez les fon suit des étapes bien déterminées et implique certaines obligations. L’exemple du particularisme de la dot et du mariage chez les fon permet ainsi d’établir une comparativité de l’institution chez les musulmans. Mme Awa Marcos[13], développant la dot en droit musulman, montre avec l’appui des sourates, les similitudes, nuances et divergences entre la dot traditionnelle ou coutumière et la dot islamique. Ce débat a enfin permis à M. Guy Onambélé[14], appréciant la dot comme un vecteur de rapprochement ou de distanciation du droit positif et droit traditionnel, d’éclairer le positionnement de la dot dans l’ancien et le nouveau système juridique béninois. Au final, la dot traverserait une crise d’adaptation dans le système juridique moderne africain.

 

Le colloque de Cotonou sur « La dot et le mariage en Afrique » apparaît aujourd’hui comme un repère dans l'appréciation juridique de l'institution dotale dans les sociétés modernes africaines. La tenue de ce colloque est par ailleurs une étape décisive à la mise en œuvre effective du partenariat scientifique entre les facultés de droit du Bénin et de Toulouse, et par conséquent, au développement du droit béninois. Les Actes du colloque pourraient valablement faire l’objet d’une publication dans la revue DROIT BENINOIS[15] qui est le support scientifique de ce partenariat.



[1] BESTION Francis, professeur, Doyen de la Faculté de Droit, d’Administration et de Communication, Université de Toulouse 1 Capitole.

[2] AHOUANDJINOU Djossinou Hospice, enseignant-chercheur, Droit privé, ex Doyen, FADESP/UAC.

[3] AÏHOU Désiré, enseignant-chercheur, Chef du Département du Droit privé, FADESP/UAC

[4] GUEDEGBE Igor, enseignant-chercheur, Droit privé, FADESP/UAC.

[5] TINDO Denis, enseignant-chercheur, Droit privé, Vice-doyen de la FADESP/UAC.

[6] DEHOUMON Mathieu, enseignant-chercheur, Droit privé, Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM/UAC).

[7] CABANIS André, professeur à la Faculté de Droit, d’Administration et de Communication, Université de Toulouse 1 Capitole.

[8] DOSSOU Lidvine, doctorante en Droit privé, FADESP/UAC.

[9] FASSINOU Camille, doctorant en Droit privé, FADESP/UAC.

[10] CHACHA Michel, doctorant en Droit privé, FADESP/UAC.

[11] DEVAUX Olivier, professeur à la Faculté de Droit, d’Administration et de Communication, Université de Toulouse 1 Capitole.

[12] HOUEDJISSIN Arnaud, enseignant-chercheur, Droit privé, FADESP/UAC.

[13] MARCOS Awa, doctorante en Droit privé, FADESP/UAC.

[14] ONAMBELE Guy, doctorant en Droit privé, FADESP/UAC.

[15] DROIT BENINOIS est la revue de la Faculté de Droit et des Sciences Politiques (FADESP) de l’Université d’Abomey-Calavi. Elle est éditée par les Presses de l’Université de Toulouse 1 Capitole.

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17 avril 2012 2 17 /04 /avril /2012 16:09

Par Mathieu Dehoumon*

Poser le sujet de la constitutionnalisation du Droit privé ou de la privatisation du Droit constitutionnel pourrait déranger chacun des spécialistes de chaque branche du Droit : droit public et droit privé. Le professeur Noël Gbaguidi (1)  se préoccupe, d’entrée de jeu, de la pertinence à opposer l’ensemble du Droit privé à un seul élément du Droit public, le Droit constitutionnel. On ne saurait justifier un tel libellé du sujet sans tenir compte de l’actualité de la question. En effet, ce thème présente un vif intérêt pour les Etats africains en proie à l’évolution de leur système et de leur pratique juridiques et, à la construction du Droit africain. De plus en plus, le Droit constitutionnel se métamorphose à travers l’extension des règles constitutionnelles vers le Droit privé et/ou l’utilisation des règles de Droit privé par le juge constitutionnel. L’émergence des droits mixtes mais surtout la pluridisciplinarité qui caractérise désormais le raisonnement juridique met aujourd’hui en crise la distinction entre Droit privé et Droit public (Noël Gbaguidi). Par ailleurs, l’influence du droit international des droits humains dont les normes sont de plus en plus mobilisées par le Droit constitutionnel et la tendance du juge constitutionnel à utiliser les règles du Droit privé conduisent à relever un rapprochement ou une interaction accentuée entre le Droit constitutionnel et le Droit privé. Cela pourrait bien laisser croire que les outils traditionnels du Droit constitutionnel ne conviennent plus à eux seuls pour régir les réalités sociales d’aujourd’hui. Ainsi se justifie l’opportunité à mener la réflexion sur la privatisation du Droit constitutionnel et/ou la constitutionnalisation du Droit privé, et à interroger l’histoire du Droit dans la relation ambivalente entre Droit privé et Droit public.

La privatisation du Droit constitutionnel a fait l’objet d’un temps de réflexion entre le professeur Joseph Djogbénou et son collègue Ibrahim Salami. Dans une formule imagée, le privatiste, J. Djogbénou (2), affirme que les murs de la division entre le Droit privé et le Droit public sont bâtis dans du sable mouvant, ce qui rend mobiles les frontières entre les deux branche du Droit. La définition du doyen Vedel qui fait du Droit constitutionnel, « la branche fondamentale du Droit public » se trouve désormais ébranlée car la privatisation du Droit constitutionnel induit un glissement, une occupation voire une colonisation du Droit constitutionnel par le Droit privé. Cette mutation s’illustre bien par l’actualité en Afrique où le Droit constitutionnel est devenu « le Droit des crises politiques », « le Droit de consécration des rapports de force », « l’outil de règlement des difficultés », etc. Ce phénomène d’incursion ou d’emprise progressive du Droit privé sur le droit constitutionnel se traduit par une double manifestation : la migration de la signification du Droit constitutionnel et celle de la substance même de ce droit.

La migration de la signification du Droit constitutionnel s’entend, en effet, de la privatisation de son sens. Il s’agit essentiellement de l’évolution sémantique et des emprunts phénoménologiques du Droit constitutionnel. L’évolution sémantique du Droit constitutionnel rend bien compte de la migration du sens de ce droit. En effet, le Droit constitutionnel notamment sa pratique c’est-à-dire le procès constitutionnel ne concerne plus uniquement les intérêts collectifs ou publics ; il s’implique désormais dans les litiges concernant les particuliers et portant sur les matières telles que la fiscalité, les droits économiques, etc. Il s’intéresse donc aux problèmes individuels et, de ce fait, s’individualise et se privatise : le domaine public devient individuel. Dès lors, le Droit constitutionnel devient l’une des branches fondamentales du droit publicisé. Concernant les emprunts phénoménologiques, on remarque aisément qu’aujourd’hui, le Droit constitutionnel emprunte au Droit privé un certain nombre de notions comme la méthode contractuelle dans les accords, les feuilles de route, des éléments comme l’abus de droit, la réparation, la propriété, la liberté, etc. Aussi, la juridictionnalisation du Droit constitutionnel requiert-elle un normatisme juridique qui impose l’effectivité du procès et, par là-même, le respect des droits de la défense. Il ne serait pas superflu d’ajouter la justiciabilité de la justice constitutionnelle qui implique que les décisions du juge constitutionnel ne soient plus insusceptibles de recours. Tel a été le cas d’une décision de la Cour constitutionnelle de Lomé (Togo) déférée devant la Cour de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

La migration de la substance du Droit constitutionnel s’entend de la privatisation de l’essence de ce droit. Il faut ici considérer la mutation ontologique du Droit constitutionnel dont résulte la transfiguration idéologique de ce droit. La mutation ontologique se traduit par la place de plus en plus importante désormais accordée à l’individu par le Droit constitutionnel au détriment de la publicisation de l’Etat. On assiste ainsi à une métamorphose de l’Etat, ce qui effrite considérablement sa souveraineté. Quant à la transfiguration idéologique, elle résulte de la mutation ontologique et annonce le déclin du service public et par là même celui de la Puissance publique. Le professeur privatiste J. Djogbénou en conclut que le Droit constitutionnel n’est plus en tant que tel constitutionnel. Mais cette position est nuancée par d’autres points de vue notamment publicistes.

En effet, le professeur Ibrahim Salami (3) se demande bien s’il faut refondre le profil du juriste : sommes-nous des juristes sans frontières ? Le droit est-il sans frontières ? Qu’adviendrait-il d’un certain mélange des genres en droit ? Il reconnaît ensuite que le Droit constitutionnel, initialement considéré par Hauriou comme un droit politique, est aujourd’hui un système normatif qui assure la protection des droits et libertés. Il montre alors, sous l’angle publiciste, les circonstances dans lesquelles le Droit constitutionnel devient un droit de particulier à particulier et comment le Droit privé envahit le domaine constitutionnel. La privatisation du Droit constitutionnel revient donc à affirmer la privatisation du procès constitutionnel et celle des principes constitutionnels.

La privatisation du procès constitutionnel se fait par la question préjudicielle : c’est ce qu’a prévu le législateur béninois à l’article 164 du Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes (4). On convient que la question préjudicielle est un exposé sommaire des moyens qui obligent le juge à surseoir à statuer jusqu’à ce que la question ait été soumise au juge compétent. L’exception d’inconstitutionnalité qui peut être soulevée au titre des exceptions dilatoires oblige à considérer que le législateur vient ainsi toucher à une matière constitutionnelle. De même, la présomption d’innocence prévue par l’article 17 de la Constitution béninoise est l’expression du droit à la défense désormais respecté dans le procès constitutionnel.

La privatisation des fondements constitutionnels tels que le droit à l’égalité et le droit à un environnement sain. Soucieux du respect du principe d’égalité, le juge constitutionnel va s’ingérer dans les matières civiles comme le mariage, le voisinage, etc. En matière de mariage, le juge constitutionnel veille désormais à l’égalité entre les époux notamment en ce qui concerne l’option polygamique. Il rétablit également l’égalité en matière d’adultère.
Pour ce qui est du droit à un environnement sain, le juge constitutionnel se préoccupe désormais des rapports de voisinage en sanctionnant la pollution environnementale et les troubles de voisinage.

En considérant les nouveaux liens qui s’établissent désormais entre le Droit constitutionnel et le Droit privé, les privatistes et les publicistes s’accordent sur le glissement indéniable du premier sur le second. Mais cette évolution ne constitue pas pour autant le prélude au déclin du Droit constitutionnel. Autrement dit, elle tend à remettre profondément en cause le cardinal intérêt de la summa divisio  donnant ainsi raison au professeur Djogbénou mais elle s’attache pour l’instant à bouleverser simplement les frontières de compétence entre Droit constitutionnel et Droit privé justifiant ainsi la modération du professeur Salami. Dès lors, peut-on envisager un phénomène inverse : la constitutionnalisation du Droit privé ?

La constitutionnalisation du Droit privé a agrémenté un autre temps de réflexion conduit par le professeur Joël Aïvo et son collègue Koffi Agbénonto. Le professeur J. Aïvo (5) part du constat selon lequel les sujets qui étaient réservés au Droit privé (Droit civil) sont de plus en plus saisis par le Droit constitutionnel. Il en est ainsi des questions portant sur la licéité, la fraude à la Constitution, la désuétude, etc. qui sont aujourd’hui soumises au juge constitutionnel. Mais comment s’effectue la constitutionnalisation du Droit et quelles en sont les conséquences ? A cet effet, il faut retenir que la constitutionnalisation du Droit produit des effets non négligeables qui ne manquent pas d’impact sur l’ordre juridique. Mais elle ne peut se réaliser que grâce à un certain nombre de moyens.

En termes de moyens, la constitutionnalisation du Droit se fait soit par voie constituante, soit par voie jurisprudentielle. Lorsqu’elle procède par voie constituante, la constitutionnalisation revient à l’incorporation des libertés fondamentales et des droits humains dans la Constitution. C’est ce qu’a réalisé le Constituant béninoise du 11 décembre 1990 dont le bloc de constitutionnalité renvoie à la Déclaration universelle des Droits de l’homme (6), présente le texte constitutionnel béninois auquel il ajoute le texte de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Lorsqu’elle procède par voie jurisprudentielle, la constitutionnalisation du Droit se traduit par le contrôle de constitutionnalité et le recours individuel devant le juge constitutionnel. Alors que le contrôle de constitutionnalité consacre la tutelle de la Constitution sur les autres branches du Droit – permettant au juge constitutionnel de vérifier la conformité entre la loi et la Constitution : le juge constitutionnel béninois a usé de ce mécanisme au sujet de la loi portant code des personnes et de la famille et au sujet de la loi portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes au Bénin – le recours individuel devant le juge constitutionnel a permis à celui-ci de connaître des affaires relatives au droit de grève, au droit de propriété (affaire Ayidasso, 2009), au droit de la famille, au droit coutumier (7).

En ce qui concerne les effets de la constitutionnalisation du Droit, on relève une unification et une certaine complexification de l’ordre juridique. La constitutionnalisation du Droit privé, par divers moyens, contribue à réaliser l’unité de l’ordre juridique centralisant de ce fait les sources du Droit. Dès lors, le juge constitutionnel pourra enrichir voire contribuer à la modernisation du Droit privé. Mais l’unification de l’ordre juridique ne simplifie pas pour autant les rapports de droit. Il rend plutôt complexe l’ordre juridique du fait même du bouleversement des frontières entre les différentes branches du Droit.

La constitutionnalisation du Droit privé, lorsqu’elle est ramenée dans l’espace francophone au Sud du Sahara, devient, selon le professeur K. Agbénonto (8), une préoccupation particulière vu l’évolution juridique qui y a cours. S’il faut admettre qu’il y a une tendance vers la privatisation du Droit constitutionnel, il faut reconnaître que ce phénomène est menacé. S’il faut affirmer la constitutionnalisation du Droit privé, il faut alors déterminer la place désormais réservée au Droit privé. Cet ultime travail nécessite de connaître le Droit notamment l’histoire du Droit africain.

Appelés à confronter l’histoire du Droit et la complexité du Droit, les historiens du droit, le professeur français, André Cabanis et son collègue béninois, Barnabé Gbago, s’accordent pour dire que l’histoire du Droit diffèrent selon les lieux, c’est-à-dire qu’elle varie d’une société (française) à une autre (africaine). Relevant alors l’utilité de l’histoire du Droit, le professeur A. Cabanis (9) affirme que l’enseignement de la matière permet d’écarter toute image trop statique du droit (relativité), et, d’éviter un sentiment de fausse évolution du droit (désengagement de l’Etat en France). De même, l’histoire du Droit permet d’introduire des éléments historiques dans la pratique juridique à laquelle on arrive à conférer une dimension régionale (droit européen). Ainsi, l’histoire du Droit contribue à donner de la profondeur à la réflexion juridique où l’on s’arrête pour chercher l’origine des règles et justifier le maintien ou non d’une règle de Droit. Cette démarche convient bien à la quête en Afrique de l’enseignement de l’histoire de son Droit.

A cet effet, le professeur B. Gbago (10) affirme son espoir de voir l’Afrique construire et enseigner son Droit à l’instar des autres continents. L’histoire du Droit africain peut aborder outre le droit coutumier, le droit colonial. Elle prendra en compte les systèmes d’organisation politique des sociétés africaines, le statut juridique des enfants, des femmes et des esclaves dans les sociétés traditionnelles africaines. Ce faisant, peut-être aboutirons-nous à un système de droit romano-africain. Il importe en dernier lieu de bien connaître l’histoire du droit africain pour mieux appréhender les jeux d’interaction entre les différentes branches du droit en Afrique.

Au final, la privatisation du Droit constitutionnel et la constitutionnalisation du Droit privé restent dans la logique des rapports qu’entretiennent aujourd’hui Droit public et Droit privé. Alors que la privatisation du Droit constitutionnel montre l’existence d’un type étroit de rapport, non pas forcément embryonnaire mais certainement naissant entre le Droit constitutionnel et le Droit privé, la constitutionnalisation du Droit privé vient, à travers la migration du Droit constitutionnel vers le Droit privé, assurer l’unité du droit ou de l’ordre juridique. Dès lors, le Droit constitutionnel (Droit public) et le Droit privé vont désormais se retrouver sur un socle commun : la Constitution, en tant que source de toutes les sources du Droit. L’unité de l’ordre juridique donne ainsi la possibilité aux privatistes de se saisir des questions de droit public et aux publicistes de se préoccuper des questions de droit privé.

Rappelons que cet article est produit à partir des échanges menés à l’occasion de la rentrée solennelle conjointe organisée par le Centre de Recherches et d’Etudes en Droit et Institutions judiciaires en Afrique (CREDIJ) et le Centre de Droit Constitutionnel (CDC), le 12 avril 2012, dans la salle de conférences de l’Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature (ENAM) de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC). L’initiative qui vise à remédier à la léthargie souvent reprochée à la pensée scientifique juridique au Bénin, a été une occasion de réflexion et de débat. Il faut aussi remarquer que cette rentrée solennelle conjointe a connu la participation de nombreux professeurs de Droit béninois, sénégalais, togolais et français, des responsables de l’UAC, de l’ENAM, de l’Ecole doctorale, de la chaire UNESCO, et, des doctorants massivement représentés.

______________________________________

* DEHOUMON Mathieu, Docteur en droit privé. Président de l'association Afrique-Monde Droits Humains pour un Développement Durable (AMDHDD). Promoteur du blog « cogitafrik » : http://cogitafrik.over-blog.com
1. GBAGUIDI A. Noël, Agrégé des Facultés de droit. Professeur de Droit privé à l’Université d’Abomey-Calavi. Titulaire de la Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie. Directeur de l’Ecole doctorale Sciences Juridiques de l’Université d’Abomey-Calavi (Bénin).
2. DJOGBENOU Joseph, Agrégé des Facultés de droit. Professeur de droit privé à l’Université d’Abomey-Calavi. Directeur du Centre de Recherches et d’Etudes en Droit et Institutions judiciaires en Afrique : CREDIJ (Bénin).
3. SALAMI Ibrahim, Agrégé des Facultés de droit. Professeur de droit public à l’Université d’Abomey-Calavi. Chef du département de droit public de la faculté de droit et des sciences politiques de l’Université d’Abomey-Calavi (Bénin).
4. Voir la loi N°2008-07 du 16 octobre 2008 portant Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin.
5. AIVO F. Joël, Agrégé des Facultés de droit. Professeur de droit public à l’Université d’Abomey-Calavi. Directeur du Centre de Droit Constitutionnel : CDC (Bénin).
6. Voir le Préambule de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990.
7. Voir la décision rendue par la Cour constitutionnelle du Bénin en 1996 sur le Coutumier du Dahomey.
8. AGBENONTO Koffi, Agrégé des Facultés de droit. Professeur de droit privé à l’Université de Kara (Togo).
9. CABANIS André, Agrégé des Facultés de droit. Professeur à l’Université des sciences sociales de Toulouse. Directeur du Centre de Recherche et d’Information sur le Droit à la Formation (France).
10. GBAGO G. Barnabé, Agrégé des Facultés de droit. Professeur (Histoire du droit) à l’Université d’Abomey-Calavi. Doyen de la Faculté de droit et de sciences politiques de l’Université d’Abomey-Calavi (Bénin).

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24 février 2012 5 24 /02 /février /2012 18:51

Une équipe juristes spécialistes vient de faire paraître, sous la direction du Professeur Joseph DJOGBENOU, Agrégé des Facultés de Droit, la version commentée et annotée du Code béninois de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes. Ce Code porté par la loi N°2008-07 du 28 février 2008, est constitué de 1231 articles repartis dans trois livres respectivement intitulés : dispositions générales, dispositions particulières à chaque juridiction, dispositions particulières à certaines matières. Il présente un intérêt certain qui renouvelle le droit processuel béninois. Avec cette évolution législative, le Bénin vise à garantir une meilleure justice aux justiciables par la professionnalisation des instances, la responsabilisation des professionnels de la justice et le renforcement des techniques judiciaires.

L’ouvrage dirigé par le Professeur Djogbénou est publié par les éditions CREDIJ (Centre de Recherches e d’Etudes en Droit et Institutions Judiciaires en Afrique). Il est disponible à la Librairie Rachel (en face de la Librairie Notre Dame de Cotonou) et est vendu au prix de 20.000 F.cfa soit 31 Euros.

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6 mars 2006 1 06 /03 /mars /2006 13:59

18è Rapport d'activités de la CADHP

Le dix-huitième Rapport Annuel d’Activités de la CADHP couvre les 36ème et 37ème Sessions Ordinaires de la Commission Africaine tenues respectivement du 23 novembre au 7 décembre 2004 à Dakar, Sénégal et du 27 avril au 11 mai 2005 à Banjul, Gambie.
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24 février 2006 5 24 /02 /février /2006 15:24
La Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples a été adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi au Kenya, lors de la 18ème Conférence de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Elle est entrée en vigueur le 21 octobre 1986 après ratification de la Charte par 25 Etats. 49 des 52 membres de l'OUA l'ont ratifié.
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24 février 2006 5 24 /02 /février /2006 15:15
L’Acte constitutif de l’Union Africaine a été adopté à Lomé (Togo), le 11 juillet 2000 par les Chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats membres de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). il est entré en vigueur le 26 mai 2001.
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