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18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 17:20

IMGP9837.jpgPar Mathieu Dehoumon

 

Du 15 au 16 octobre 2012, s’est tenu à l’Université d’Abomey-Calavi (Bénin) un colloque organisé par la Faculté de Droit et des Sciences Politiques (FADESP) de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) et la Faculté de Droit, d’Administration et de Communication de l’Université de Toulouse 1 – Capitole (France). Cette rencontre a été une occasion de riches échanges entre les communicateurs, les enseignants et les étudiants mobilisés par l’intérêt du thème : « La dot et le mariage en Afrique ».

 

Démarré par une leçon inaugurale intitulée « Mariage et participation à l’activité professionnelle – problématique générale » et présentée par le professeur Francis Bestion[1], ce rassemblement d’universitaires français et béninois a été animé autour de quatre principaux panels très pertinents et complémentaires qui ont donné l’opportunité de réfléchir sur la nature de la dot et la conception du mariage, la fonction de la dot et du mariage, la restitution de la dot et, l’approche comparative de la dot et du mariage.

 

En effet, le premier axe de réflexion a permis d’analyser la « nature de la dot et conception du mariage en Afrique » en trois phases. D’abord, un examen des intérêts et perspectives du mariage monogame dans le droit positif béninois proposé par M. Hospice D. Ahouandjinou[2] a permis de faire un état des lieux de la question. Ce préalable a ensuite ouvert le champ à la relecture, opérée par M. Désiré Aïhou[3], de l’évolution du mariage des indépendances à nos jours. Dès lors, il importe enfin, pour M. Igor Guèdègbé[4], d’apprécier le contenu de la dot au Bénin et d’en conclure qu’au Bénin, la dot a un contenu variable à maints égards. La nature de la dot et du mariage suscite ainsi la question de la fonction de ces deux institutions.

 

Le deuxième axe de réflexion, portant sur la « fonction de la dot et du mariage », a été alimenté par quatre communications. Il a ainsi fallu à M. Denis Tindo[5] de prendre position face à la délicate question du caractère éventuellement superflu du symbolisme juridique de la dot dans le Code béninois des personnes et de la famille. Ce symbolisme maintenant malgré tout l’institution dotale dans le système juridique béninois, il revenait à M. Mathieu Dêhoumon[6] qui, relevant les liens ou rapports de droit existant entre Egalité – Dot et Mariage, de montrer que la dot fonde le mariage, que le mariage exige l’égalité entre les époux et que le principe d’égalité devra éclairer le principe dotal. Contribuant à la théorie des ruptures et des continuités juridiques en Afrique, le professeur André Cabanis[7] qui analyse, quant à lui, le statut de la dot coutumière dans la période coloniale, s’en tient au caractère culturel de l’institution et recommande la cessation des pratiques qui relevent plus de la loi du marché que de la tradition. C’est alors que Mme Lidvine Dossou[8], examinant l’impact de la pratique dotale sur l’ordre public béninois, relèvera que la première doit respecter le deuxième pour une harmonie sociale. Ainsi, la dot et le mariage demeurent des institutions encore vivantes en Afrique où elles forgent l’identité de ses populations. Peut-on alors envisager une fin aux liens que fonde la dot ? La préoccupation impose d’analyser la question du remboursement de la dot en Afrique.

 

En effet, le troisième axe de réflexion qui concerne la « restitution de la dot » a pris deux orientations. D’abord, il était nécessaire de préciser le statut que confère la dot à la femme en Afrique, et, M. Camille Fassinou[9] introduit à cet effet le débat sur la dot et le statut de la femme en retenant que la dot ne peut être vue comme la dévalorisation de la femme africaine puisqu’il est possible de la rembourser, dans certaines situations, à la famille créancière. C’est ce que M. Michel Chacha[10] a illustré en s’appuyant sur le cas de la dissolution du mariage à travers sa communication sur la dot le divorce. La dot confère donc à la femme le statut de femme mariée ou d'épouse acceptée et intégrée dans sa belle famille, sa famille d’accueil à qui la coutume laisse la possibilité d’exiger le remboursement de la dot si le but ultime de son versement venait à manquer. On peut enfin se fonder sur ces divers éléments d’analyse pour apprécier l’importance de la dot et du mariage dans différentes aires culturelles et religieuses africaines.

 

C’est ce dernier axe de réflexion qui oriente quatre communications sur une « approche comparative de la dot et du mariage ». Le professeur Olivier Devaux[11] s’appuie sur l’exemple du cercle de Ouahigouya pour mettre l’accent sur la stratégie du colonisateur dans sa volonté de subordonner la validité du mariage au consentement des époux. Le colonisateur, pour rédiger les Coutumiers africains, a organisé des campagnes de collectes de données qui reconstituent difficilement les intentions et arrières pensées des peuples africains. C’est ce qui a amené M. Arnaud Houédjissin[12], traitant de la dot et du mariage comme des rites de légitimation et des obligations quasi-contractuelles dans l’aire culturelle ‘‘fon’’, à considérer que la formation du mariage chez les fon suit des étapes bien déterminées et implique certaines obligations. L’exemple du particularisme de la dot et du mariage chez les fon permet ainsi d’établir une comparativité de l’institution chez les musulmans. Mme Awa Marcos[13], développant la dot en droit musulman, montre avec l’appui des sourates, les similitudes, nuances et divergences entre la dot traditionnelle ou coutumière et la dot islamique. Ce débat a enfin permis à M. Guy Onambélé[14], appréciant la dot comme un vecteur de rapprochement ou de distanciation du droit positif et droit traditionnel, d’éclairer le positionnement de la dot dans l’ancien et le nouveau système juridique béninois. Au final, la dot traverserait une crise d’adaptation dans le système juridique moderne africain.

 

Le colloque de Cotonou sur « La dot et le mariage en Afrique » apparaît aujourd’hui comme un repère dans l'appréciation juridique de l'institution dotale dans les sociétés modernes africaines. La tenue de ce colloque est par ailleurs une étape décisive à la mise en œuvre effective du partenariat scientifique entre les facultés de droit du Bénin et de Toulouse, et par conséquent, au développement du droit béninois. Les Actes du colloque pourraient valablement faire l’objet d’une publication dans la revue DROIT BENINOIS[15] qui est le support scientifique de ce partenariat.



[1] BESTION Francis, professeur, Doyen de la Faculté de Droit, d’Administration et de Communication, Université de Toulouse 1 Capitole.

[2] AHOUANDJINOU Djossinou Hospice, enseignant-chercheur, Droit privé, ex Doyen, FADESP/UAC.

[3] AÏHOU Désiré, enseignant-chercheur, Chef du Département du Droit privé, FADESP/UAC

[4] GUEDEGBE Igor, enseignant-chercheur, Droit privé, FADESP/UAC.

[5] TINDO Denis, enseignant-chercheur, Droit privé, Vice-doyen de la FADESP/UAC.

[6] DEHOUMON Mathieu, enseignant-chercheur, Droit privé, Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM/UAC).

[7] CABANIS André, professeur à la Faculté de Droit, d’Administration et de Communication, Université de Toulouse 1 Capitole.

[8] DOSSOU Lidvine, doctorante en Droit privé, FADESP/UAC.

[9] FASSINOU Camille, doctorant en Droit privé, FADESP/UAC.

[10] CHACHA Michel, doctorant en Droit privé, FADESP/UAC.

[11] DEVAUX Olivier, professeur à la Faculté de Droit, d’Administration et de Communication, Université de Toulouse 1 Capitole.

[12] HOUEDJISSIN Arnaud, enseignant-chercheur, Droit privé, FADESP/UAC.

[13] MARCOS Awa, doctorante en Droit privé, FADESP/UAC.

[14] ONAMBELE Guy, doctorant en Droit privé, FADESP/UAC.

[15] DROIT BENINOIS est la revue de la Faculté de Droit et des Sciences Politiques (FADESP) de l’Université d’Abomey-Calavi. Elle est éditée par les Presses de l’Université de Toulouse 1 Capitole.

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commentaires

G
Ce colloque a dû être un creuset et un grand avancement dans la compréhension assez énigmatique du caractère symbolique de la dot évoqué par le législateur. Merci professeur pour l'article. Mais un autre problème se pose. Selon les usages, les coutumes, la dot va se faire en deux phases. Une première phase qui consiste à demander la main de la jeune fille. Et cette étape nécessite généralement la présence des membres des deux familles. Ce n'est peut-être pas assez évident, mais cette étape répond aux conditions de validité des fiançailles. Tant est que les futurs mariés sont en présence de leurs parents et de témoins. L'effectivité de la dot ne porterait elle pas alors implicitement une obligation aux fiançailles?
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