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25 mars 2006 6 25 /03 /mars /2006 11:33
Par Mathieu Dehoumon
 
A l’occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, 21 mars, dont le thème cette année est : « Combattre la discrimination quotidienne », le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) a exhorté « les citoyens ordinaires » à se mobiliser pour dénoncer « l'intolérance ordinaire » car « les crimes les plus horribles commis par l'humanité ont souvent ancré leurs racines dans un sectarisme banal ».
 
La discrimination investit, de plus en plus, le quotidien des hommes et des femmes dans le monde, d’Europe en Amérique, de l’Asie en Afrique sans oublier l’Océanie. En témoignent encore les insultes proférées dans les écoles et dans les rues, les injustices commises lors des recrutements et des licenciements sur le lieu de travail, l'option sélective adoptée par les médias ou la police dans le traitement de la criminalité, les inégalités observées dans la prestation des services publics, les mauvais traitements infligés à des groupes raciaux, ethniques ou religieux qui sont autant d’intolérances souvent passivement acceptées dans nos sociétés.
 
L’omniprésence de cette forme de racisme quotidien est scandaleuse à partir du moment où elle ne rencontre aucune résistance, aucune opposition ni de ceux qui les subissent, ni de ceux qui les observent. Il se développe donc une « discrimination larvée » qu’on ne saurait tolérer dans notre vie quotidienne. Faut-il la refouler à l’attribut de la nature humaine ? Non, car la haine n’est pas inscrite dans notre patrimoine génétique. Selon Kofi Annan, « l’intolérance est apprise, elle peut donc être désapprise ».
 
Pour véritablement lutter contre ce fléau social, il faut mobiliser au front non seulement les armes juridiques existantes mais aussi et surtout aligner aux premiers rangs l’Education. Il s’agit en d’autres termes, d’un processus de prise de conscience et de culture d’esprit de tolérance. C’est la fonction ultime de l’Education. Elle devrait commencer à la maison sachant que la maison est le lieu par excellence qui abrite la famille – qui est, au demeurant, le creuset de la socialisation primaire. De la maison, l’éducation à la tolérance devrait se poursuivre à l’école pour être ensuite intégrée dans le discours public. Dans cette lutte contre l’intolérance ordinaire, le Secrétaire général de l’ONU, fait observer que « les citoyens doivent être simultanément des professeurs et des élèves ».
 
Il faut rappeler que le 21 mars 1960, la police du régime d'apartheid sud-africain avait ouvert le feu sur une manifestation pacifique organisée à Sharpeville pour protester contre des lois discriminatoires et racistes. Outre le nombre élevé de blessés enregistrés, des dizaines de manifestants ont été également tués. Aujourd’hui, le souvenir de cette journée interpelle chaque individu à se mobiliser contre les atrocités perpétrées dans le monde mais aussi le racisme ordinaire fréquemment oublié. C’est pourquoi, profitant de cette commémoration, Kofi Annan proclame que « la clef de la victoire réside en fin de compte dans la mobilisation des citoyens ordinaires qui dénoncent l'intolérance 'ordinaire'… Ce sont eux qui doivent refuser de tolérer les actes discriminatoires dans leur vie quotidienne. Ce sont eux qui doivent faire comprendre que la discrimination ne peut aucunement être banalisée. Et ce sont eux qui ont le plus à gagner dans une société qui s'édifie sur la base de la reconnaissance des droits de tous ses membres et des obligations de respect à leur égard ».
 
Source : ONU
 
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20 mars 2006 1 20 /03 /mars /2006 17:51
Par Mathieu Dehoumon
 
L'Envoyé spécial des Nations Unies pour la Corne de l'Afrique appelle la communauté internationale à se mobiliser davantage pour venir en aide à 7,5 millions de personnes menacées par la famine, après la sécheresse la plus dévastatrice depuis plusieurs décennies dans cette région.
 
Dans une conférence de presse donnée à Oslo en Norvège, Kjell Bondevik, Envoyé spécial des Nations Unies pour la situation humanitaire dans la Corne de l'Afrique, témoigne avoir vu au Kenya, un pays dévasté par la sécheresse avec des conséquences dramatiques sur les communautés de pasteurs, d’agriculteurs et sur leurs familles. Il prévient qu’un grand nombre d'animaux ont été décimés à cause de la sécheresse et par conséquent, il faut mobiliser tous les efforts pour éviter que les enfants et les familles ne subissent un destin semblable.
 
Le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) rappelle que  «au Kenya, en Somalie, en Éthiopie, en Érythrée et à Djibouti, ce sont 18 millions de personnes qui risquent de tomber dans une insécurité alimentaire ». Dans la Corne de l'Afrique, plus de 40% de la population souffrirait déjà de malnutrition chronique.
 
Source : ONU
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1 mars 2006 3 01 /03 /mars /2006 18:32
Par Mathieu Dehoumon
 
Beaucoup de femmes sont aujourd’hui exclues des lieux et processus de décision à travers le monde. Cette situation qui conforte encore l’égoïste et injuste supériorité masculine sur la femme montre combien celle-ci se voit encore refuser ses droits fondamentaux. Plusieurs textes internationaux admettent pourtant l’égalité entre homme et femme et garantissent les droits des femmes pour plus de justice sociale.
 
Le développement des sociétés passe indubitablement par la quête permanente de la paix, de la justice et de la sécurité pour les groupes sociaux et les individus, qu’ils soient hommes ou femmes. Cette logique qui sous-tend les initiatives juridiques en faveur de l’égalité – et donc contre les inégalités homme/femme – justifie la nécessité d’une mobilisation en faveur du développement durable, lequel s’appuie sur les apports quantitatifs et qualitatifs tant des hommes que des femmes.
 
Si en Afrique et plus généralement dans les sociétés en voie de développement[1], malgré l’enracinement des barrières culturelles[2], on prend de plus en plus conscience de l’importance de la place de la femme dans les lieux et processus de décision et de développement[3], en Europe ou dans les pays développés[4], on traduit de plus en plus dans les actes, cette conviction de l’égalité entre homme et femme avec le déploiement d’un lobbying fortement soutenu par les organisations, associations et ONGs.
 
La Commission de l’Organisation des Nations Unies pour la Condition de la Femme[5] œuvre justement pour la participation égale des femmes et des hommes dans les processus de prise de décision. Aussi, se mobilise-t-elle pour le renforcement de la participation des femmes au développement. Ce sont d’ailleurs les deux volets thématiques qui focalisent l’attention des membres de la Commission[6] réunis dans sa 50ème Session. Plus de 50 ministres ou hauts fonctionnaires, dont la Ministre française, Catherine Vautrin[7], et plus de 3.000 représentants d'ONG.
 
Selon la Vice-Secrétaire générale de l'ONU, Louise Fréchette, il n'est pas d'outil plus efficace du développement que l'émancipation des femmes et des filles. Ainsi se justifie l’autre grand thème qui enrichira les débats de cette session : « Le renforcement de la participation des femmes au développement : instauration d'un environnement propice à l'égalité des sexes et à la promotion de la femme, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé et du travail ».


[1] Les sociétés en voie de développement ne désignent pas seulement les sociétés africaines. Mais les sociétés africaines sont pour la plupart des sociétés patriarcales.
[2] OCDE, document de travail N°235, La condition des femmes en Inde, Kenya, soudan et Tunisie, Christian Morrisson avec la collaboration de Silke Friedrich
[3] Cette prise de conscience se traduit dans les nouveaux textes juridiques africains et dans l’engagement plus ouvert des femmes en matière de politique et de développement
[4] Participation équilibrée des femmes et des hommes aux processus de décision, adopté par le Parlement européen de la Résolution du Parlement européen sur le rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social sur la mise en oeuvre de la recommandation 96/694 du Conseil du 2 décembre 1996 concernant la participation équilibrée des femmes et des hommes aux processus de décision, Procès Verbal du 18/01/2001.
[5] La Commission de la condition de la femme a été créée en juin 1946. Elle est chargée de formuler des recommandations au Conseil économique et social (ECOSOC), sur la promotion des droits de la femme dans le domaine politique, économique, civil et social. Elle est aussi chargée d'attirer l'attention sur des problèmes urgents concernant les droits de la femme et nécessitant une attention immédiate. La Commission est également chargée depuis 1995 de suivre la mise en œuvre de la 4ème Conférence internationale sur le droit des femmes qui s'est tenue à Pékin et notamment le Plan d'action qui y a été adopté.
[6] La Commission de la Condition de la Femme est composée de 45 membres élus par l'ECOSOC. Elle est présidée cette année par Carmen María Gallardo du Salvador.
[7] Catherine Vautrin est Ministre déléguée à la Cohésion Sociale et à la Parité auprès du Premier Ministre, Dominique de Villepin
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17 février 2006 5 17 /02 /février /2006 17:59
Par Mathieu Dehoumon
 
Lorsqu’on se réfère à la philosophie des droits de l’homme, depuis le XVIIIè siècle, on l’inscrit légitimement dans un courant individualiste. Une telle classification n’exclut pas l’émergence de droits visant à protéger des intérêts collectifs. Dès lors, l’universalité des droits de l’homme interroge sur la valeur à accorder, particulièrement en Afrique, aux droits collectifs voire aux droits de la 3ème génération. La question des droits individuels et des droits collectifs s’inscrit souvent dans la distinction « naturelle » - distinction établie à partir de l’exercice des droits - entre les deux thèmes. Les droits individuels, dans cette logique, s’exercent et s’accomplissent pleinement par un usage solitaire. Ils protègent l’autonomie des personnes et impliquent une abstention de l’Etat. Quant aux droits collectifs, ils requièrent une action conjointe de plusieurs individus et s’expriment en terme de revendication sociale, exigeant du coup une mobilisation de moyens publics. On retrouve dans cette dynamique, la dialectique entre les droits-libertés et les droits-créances. La problématique des droits de l’homme en Afrique pose le problème des droits individuels et collectifs non seulement en termes de distinction naturelle liée à leur exercice mais aussi en termes de valeur intrinsèque liée à leur conception.
 
Les droits de l’homme s’entendent des droits de l’individu. Il s’agit des prérogatives reconnues à l’individu. Ces droits sont inhérents à l’homme en tant qu’entité sociale et se rattachent à sa dignité personnelle. Les droits de l’individu protègent les intérêts de celui-ci face à l’arbitraire du groupe ; le groupe, cette autre entité qui a et qui défend aussi légitimement ses intérêts. Dans la logique individualiste, on s’accorde que les droits de l’individu priment les droits collectifs. Cela s’entend du fait que l’individu est promu au détriment du groupe. Pour renforcer cette prééminence de l’entité individuelle, le système mis en place institue une autorité politique qui garantit les droits de l’individu. C’est ce que montre Guy Haarscher [1] lorsqu’il dit que le primat de l’individu sur le collectif tient son ancrage de « l’institution d’une instance arbitrale », l’Etat [2]. Mais les prérogatives de l’individu ne se trouvent nullement en position d’omnipotence dans la société, car l’Etat « a le monopole de la violence légitime… »[3]. Les prérogatives individuelles sont donc limitées par l’Etat dans les termes d’un contrat social.
 
Depuis la deuxième Guerre Mondiale, sont apparus ce qu’il convient d’appeler « les nouveaux droits de l’homme », autrement désignés par certains auteurs comme « droits de la 3ème génération » et qualifiés, après la décolonisation, de « droits des peuples à disposer d’eux-mêmes » : ce sont des droits collectifs, droits reconnus à des groupes de personnes formant un peuple ou une communauté. Ainsi, les droits collectifs renvoient aux droits particuliers dont certains peuples ou communautés réclament la reconnaissance, le bénéfice et l’exercice. La Communauté internationale a pris en compte cette préoccupation à travers différents instruments juridiques [4].
 
Ces nouveaux droits de l’homme, qui protègent des intérêts collectifs des peuples, communautés, groupes et associations, etc., se démarquent – quand bien même on peut considérer chaque peuple, communauté, groupe ou association comme une entité individuelle - de la philosophie individualiste. Lorsque Guy Haarscher défend le courant individualiste en arguant que la défense des droits de certains groupes n’est pas choquante en soi « pour peu que l’on n’introduise pas la confusion dans la philosophie des droits de l’homme, c’est à dire dans l’univers intellectuel qui garantit la cohérence de notre action en vue de l’émancipation humaine » [5], il trace, de façon étanche, une frontière entre droits individuels et droits collectifs. Or, à l’intérieur même des droits collectifs s’expriment des droits individuels, lesquels s’attachent, à tous points de vue, au courant individualiste. Et si on considère l’hypothèse qui élève le peuple, la communauté, le groupe ou l’association au rang d’entité individuelle, il va de soi que la défense des droits de cette entité qui va s’inscrire dans l’univers intellectuel des droits de l’homme garantisse l’émancipation de ladite entité. Sinon, il faut préciser le sens de la Communauté. C’est Ferdinand Tonnies [6] qui distingue deux types de groupes sociaux : la Gemeinschaft ou la communauté, et la Gesellschaft ou la société.
 
Pour Tonnies, Gemeinschaft se rapporte à la proximité des rapports sociaux holistiques qui existent dans les communautés pré-industrielles, et qui recouvrent une valeur morale. Gemeinschaft émerge par la volonté subjective des membres car « l'existence même de Gemeinschaft se repose dans la conscience d’appartenir ensemble et l'affirmation de l'état de dépendance mutuelle »[7] ou du sentiment partagé. Quant à la Gesellschaft, elle renvoie aux types de rapports particuliers de la société industrielle. Dans cette société, encore appelée association objective, la « référence est seulement relative au fait objectif d'une unité basée sur des traits communs, des activités et d'autres phénomènes externes »[8] : il s’agit des entités comme « la communauté ethnique, la communauté de la parole, la communauté du travail »[9]. Mais il peut arriver que des rapports de type Gemeinschaft se retrouvent dans la Gesellschaft sans toutefois être les caractéristiques dominantes de cette société. Il en résulte que les droits de l’homme trouvent leur expression dans la Gesellschaft où ils protègent l’intérêt commun du groupe.
 
Le système régional africain de défense et protection des droits de l’homme s’inscrit dans cette même démarche. L’instrument juridique africain [10], tout en s’inspirant du passé historico-politique des populations africaines et de leur aspiration à l’émancipation individuelle et collective, ajuste les droits individuels et les droits collectifs. Les rapports sociaux de type Geseinschaft ont évolué pour donner naissance à des groupes sociaux de type Gesellschaft dont les droits ont aujourd’hui besoin d’être protégés et garantis. Il revient alors à l’instance politique – l’Etat – de tenir aussi compte de l’émancipation collective pour désormais réguler les rapports entre droits individuels et droits collectifs. Ceci passe par une renégociation du contrat social.


[1] Guy Haarscher est professeur ordinaire à l’Université Libre de Bruxelles (ULB)
[2] Guy Haarscher, Droits collectifs contre droits de l’homme, RTDH, Editions Nemesis, Bruxelles, juillet 1990, p. 233
[3] Idem
[4] Voir les instruments juridiques des Nations Unies sur les droits des peuples notamment l’Article 1.2 de la Charte des Nations Unies qui précise la nécessité de “développer entre les nations des relations amicales fondées sur le principe de l´égalité des droits des peuples et de leurs respectifs droits à disposer d´eux-mêmes”
[5] Guy Haarscher, idem
[6] Ferdinand Tonnies (1855-1936) est un sociologue d’origine allemande dont l’apport aux sciences sociales a été important grâce à la distinction qu’il a établie, dans les années, entre la Gemeinschaft et la Gesellschaft
[7] Tonnies Ferdinand (1925) "le concept de Gemeinschaft", dans Cahnman W J et Heberle R (Eds), Ferdinand Tonnies sur la sociologie: Pur, appliqué et empirique. Écritures choisies, université de pression de Chicago, Chicago, (pp. 62-72), p. 69
[8] Idem, p. 67
[9] Idem, p. 67
[10] Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, Kenya, lors de la 18ème Conférence de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Elle est entrée en vigueur le 21 octobre 1986 après ratification par 25 Etats. Aujourd’hui, 49 des 52 membres de l'UA l'ont ratifié.
 
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2 février 2006 4 02 /02 /février /2006 15:33
Par Odile Hounsa
Journaliste (Bénin)
La protection des enfants inscrite dans les droits de l’homme est une préoccupation de la Communauté internationale. Ainsi se justifie la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant, de même que la Charte Africaine des droits de l'enfant. Malgré ces instruments qui garantissent les droits des enfants, on assiste au relâchement des cercles primaires de vie des enfants (famille, école), ainsi que des organes publics de suivi et d'encadrement social des enfants. Trafic des enfants, délinquance juvénile, maltraitance projettent la malheureuse situation de certains enfants en Afrique et dans le monde. La préoccupation est plus grande quand il s’agit des enfants de la rue. Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Pourquoi préfèrent-ils la rue à l'Ecole et la maison ?
 
La présence des enfants dans la rue
 
Plusieurs causes semblent être à l'origine de la présence des enfants dans la rue. Il faut d'abord partir des conflits au sein de la famille, les mauvais traitements physiques, affectifs voire sexuels infligés à certains enfants, la mauvaise éducation assurée par les parents. Pour se retrouver dans la rue, les enfants sont soit orphelins, soit chassés, ou soit partis d'eux-mêmes à cause de la misère de la famille, décès ou maladie des parents, alcoolisme du père, prostitution de la mère, violences familiales, divorce ou remariage. La conjoncture socio-économique d’un pays peut être également à la base du phénomène. En effet, la conjoncture socio-économique est souvent une cause de dislocation des familles laquelle précipite le sort des enfants.
 
Parfois, les enfants sont eux-mêmes conscients de ce qui est à l’origine de leur présence dans la rue, mais il arrive que certains d’entre eux évoquent des raisons non fondées. Parmi ces raisons présumées, émerge la délinquance juvénile alors que des facteurs économiques seront évoqués pour justifier les vraies raisons. Mais lorsque l’enfant est resté sous l’autorité parentale, c’est généralement la négligence des parents qui semble à l’origine de la présence de l’enfant dans la rue, en l’occurrence s’il s’agit de parents à revenu faible.
 
On ne peut pas écarter la pauvreté – même si celle-ci n’est pas déterminante - des causes de la présence des enfants dans la rue. Mais force est de constater que les pratiques culturelles de certaines ethnies en Afrique – la mendicité, coutume chez les Talibés du Niger - conditionnent les enfants à arpenter les rues à la recherche de la pitance journalière.
 
Aussi, beaucoup d’enfants naissent sans un réel désir de leurs auteurs. C’est le hasard qui est à l’origine de leur avènement sans forcément la bénédiction du cercle de famille. Ces enfants, de plus en plus nombreux, traînent dans les rues pendant la plus grande partie du jour. Bien qu’en âge de scolarisation, ils ne vont pas à l'école et sont à le merci des mauvais traitements physiques et sexuels, de la faim et des intempéries.
 
Des statistiques effrayantes
 
Selon une étude réalisée sur la situation des enfants de la rue au Botswana, la majorité des enfants interrogés ont pour caractéristique commune un bas niveau d'instruction. La plupart des garçons (95%) n'ont jamais été à l'école ou ont abandonné leurs études à l'école primaire. Cette tendance semble être en conformité avec le niveau d'instruction des parents ou tuteurs d'enfants ayant jamais été dans la rue. Plus de la moitié d'entre eux n'avaient jamais fréquenté l'école ; et parmi ceux qui l'avaient fait, 90 % ont dû abandonner leurs études à l'école primaire. Par ailleurs, plus de 70 % des parents d'enfants restés sous l'autorité parentale, issus de familles à revenu faible et tous les parents à revenu intermédiaire de tels enfants, avaient reçu une éducation formelle. Pendant ce temps, les enfants de sexe féminin avaient un niveau d'instruction plus élevé que celui de leurs pairs de l'autre sexe. Nombre d'entre eux ont relevé l'incapacité de leurs parents et tuteurs à leur procurer des uniformes et à assurer les dépenses liées à leur scolarisation, telles sont les raisons qui les ont incité à abandonner leurs études.
 
Quelles sont les activités des enfants de la rue ?
 
Lorsqu'on parcourt certaines artères des villes comme Cotonou (Bénin), Lagos (Nigeria), Gaborone (Botswana), Calcutta (Inde), Cochabamba (Bolivie), Cracovie (Pologne), etc. environ 80% des enfants de la rue notamment des garçons s’activent autour des voitures qu’ils lavent contre de petites rétributions. D’autres s'adonnent au petit commerce et le reste désœuvré ou sans activité précise. Ceux d’entre eux qui s’occupent, trouvent leur compte dans leur revenu quotidien sans autres perspectives professionnelles. Cela se comprend aussi parce qu’ils n’avaient aucune formation sérieuse de base.
 
En conséquence, la nécessité de survivre persiste et passe par tout moyen : fouiller les ordures, mendier, voler, balayer les trains, cirer les chaussures, faire des spectacles de rue. Mais il faut aussi échapper à toutes sortes de dangers : agressions des aînés, rejet de la société, viols, maladies dont le VIH-SIDA, drogue, prostitution…
 
Eradiquer le phénomène
 
La situation des enfants de la rue mérite que l'on s'y investisse. Une telle dynamique ne peut s'opérer qu'au moyen d'actions fondées sur la solidarité. En effet, le développement de l’action des associations et ONG est un pas important vers un investissement qui s'inscrit dans la durée. Pour plus d’efficacité, il faut non seulement cibler la (les) zone (s) géographiques d'intervention, mais il apparaît aussi opportun de se mettre en partenariat ou en coopération avec des associations et ONG locales de la (des) zone (s) d'intervention. Ainsi, peuvent être envisagés, des moyens d'action tels que :
- concevoir un programme de sensibilisation sur la consommation d'alcool dans les familles
- sensibiliser les élèves sur les effets pervers de l'alcoolisme sur les plans social et de santé.
- fournir des conseils aux mères en état de grossesse et aux parents malades, surtout au niveau des ménages à revenu faible
- organiser des séances de discussions, dans les quartiers de ville, entre les travailleurs, les volontaires et les parents qui sont économiquement défavorisés
- mettre en place un centre de formation et de rééducation des enfants de la rue
- développer un programme de communication de masse qui prend appui sur la radio, la télévision ainsi que la projection de films éducatifs dans les quartiers de ville ainsi que dans les villages
- rechercher en plus des fonds propres, du financement et des aides pour la mise en œuvre des actions (gouvernement national, UNICEF, FNUAP, PNUD, BIT, Banque Mondiale, USAID, ONG internationales).
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2 février 2006 4 02 /02 /février /2006 15:27
 
par Matthieu Dehoumon *
 
« Compte tenu du potentiel destructeur croissant des guerres modernes, on s'aperçoit que les lois internationales en vigueur ne permettent pas vraiment de contrer le danger que constituent les conflits pour l'environnement, qu'il s'agisse de l'usage sans discrimination des mines terrestres, des dégradations écologiques causées par les mouvements massifs de réfugiés ou des ravages potentiels associés aux armes de destruction massive », a déclaré Kofi Annan, Secrétaire Général de l'ONU, le 6 novembre 2003 ([i]). En période de guerre, la personne humaine et ses biens ne sont pas les seules victimes des attaques militaires ; l'environnement subit également les agressions militaires. Il importe donc de réfléchir sur les mécanismes juridiques et autres dispositifs susceptibles d'encourager la protection de l'environnement en période de conflit armé ([ii]).
 
Des normes internationales de protection de l’environnement naturel
 
Depuis que le but de la guerre n'est plus seulement de « contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté », comme le dit Karl von Clausewitz ([iii]), tous les moyens sont utilisés pour atteindre les ambitions secrètes des parties en conflit ; certaines méthodes de guerre sont utilisées en violation des textes de protection de l'environnement.
 
Les conventions internationales de protection de l'environnement en temps de guerre font référence à l'environnement naturel, sans définir le sens qu'il faut lui donner, les éléments qui le composent, ou le fonctionnement de ceux-ci. Elles ne définissent pas expressément l'environnement naturel. Dans le cas d'espèce, il faut s'en tenir à un système qui regroupe les zones naturelles, les liens et processus écologiques : sol, cours d'eau, forêt, etc.
 
En période de guerre, le droit applicable aux belligérants et aux biens se trouvant sur le territoire concerné par le conflit, est le Droit International Humanitaire (DIH). Le DIH ([iv]) est une branche du droit international. Il regroupe l’ensemble des règles qui, pour des raisons humanitaires, limitent les effets des conflits armés, en protégeant les personnes qui ne participent pas ou plus aux combats, et en restreignant les moyens et méthodes de guerre : c’est le droit de la guerre. Le DIH vise avant tout à limiter et prévenir les souffrances humaines en période de conflit armé. Les Conventions de Genève ([v]) du 12 août 1949 et leurs Protocoles 1 & 2 ([vi]) additionnels du 8 juin 1977 sont les principaux instruments du DIH.
 
La protection de l'environnement en période de guerre se fonde sur deux principes importants du Droit International Humanitaire : l'obligation de ne pas causer des dommages à l'environnement situé au-delà de la compétence territoriale des États ([vii]), et l'obligation de respecter l'environnement en général ([viii]).
 
Selon le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), certaines puissances accélèrent aujourd'hui des études dans le but d'utiliser l'environnement comme arme de guerre. Pour ce faire, elles recherchent les méthodes scientifiques pour provoquer de la pluie, du brouillard et autres tremblements de terre, afin d’anéantir la force des armées ennemies. Il s'agit d’une violation flagrante de la Convention « ENMOD » ([ix]), du 10 décembre 1976, qui interdit l'utilisation des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou à toutes autres fins hostiles. Les dispositions de cette Convention complètent essentiellement celles du Protocole 1, additionnel de 1977 aux Conventions de Genève de 1949, qui interdisent directement de porter atteinte à l'environnement en situation de conflit armé. L'article premier, paragraphe 1, de la Convention ENMOD impose aux États parties de « ne pas utiliser à des fins militaires ou autres fins hostiles des techniques de modification de l'environnement ayant des effets étendus, durables ou graves, en tant que moyens de causer des destructions, des dommages ou des préjudices à tout autre État partie ». Cette Convention interdit donc le recours à la guerre géophysique c'est-à-dire la manipulation délibérée de processus naturels pouvant conduire à des phénomènes tels que les ouragans, raz-de-marée, tremblements de terre, pluie ou neige.
 
L'article 35-3 du Protocole 1 additionnel, du 8 juin 1977, prévoit expressément qu'« il est interdit d'utiliser des méthodes ou moyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils causeront, des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel ». Cette disposition montre combien la communauté internationale se préoccupe de la protection de l'environnement en relation avec les méthodes et moyens de guerre.
 
L'article 55-1 du même protocole étend la protection à l'utilisation de méthodes ou moyens de guerre qui pourraient compromettre « la santé ou la survie de la population ». Il s'agit de la protection de l'environnement en relation avec la survie de la population et la santé des peuples. Il est donc impérieux de lutter contre la fabrication des armes de destruction massive, nucléaires, atomiques ou bactériologiques. Cela est d'autant plus préoccupant que l'utilisation des armes de destruction massive porte atteinte tant à l'environnement qu’aux populations. Il faut rappeler que le Protocole 1 interdit le recours à la guerre écologique, c'est-à-dire l'usage de méthodes de combat susceptibles de rompre certains équilibres naturels indispensables.
 
L'actualité internationale montre combien les instruments juridiques en matière de protection de l'environnement sont violés en période de conflit armé. En 1990 comme en 2003, certaines méthodes de guerre utilisées lors de la Guerre du Golfe révèlent la violation du contenu du protocole 1. Il s'agit notamment des actes consistant à brûler des puits de pétrole pour obscurcir la voûte spatiale, du fait de verser du pétrole brut dans la mer pour empêcher ou retarder les avancées des forces adverses… Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de prévoir non seulement des textes juridiques qui protègent l'environnement, mais aussi et surtout un organisme international, équivalent au Comité International de la Croix Rouge (CICR) ([x]), pour veiller expressément à la protection de l'environnement pendant les conflits armés.
 
Pour un organe de protection de l’environnement
 
Adhérant à l'idée de création d'un organe impartial chargé de veiller au respect et à la protection de l'environnement naturel en période de conflit armé, certains spécialistes du DIH affirment qu'un troisième protocole additionnel aux conventions de Genève, ou une cinquième Convention de Genève, pourrait en constituer le fondement juridique. Pour d'autres, à l'image de l'actuel Conseil de Sécurité des Nations Unies, il faudrait un Conseil de Sécurité pour l'environnement ([xi]).
 
Une autre tendance se prononce en faveur de la création d'un Tribunal pour l'Environnement. Cette position est proche de celle que soutiennent ceux qui souhaitent que la Cour Pénale Internationale dispose en son sein d'une Chambre pour l'Environnement.
 
Après avoir participé à la deuxième Conférence des Parties chargées de l'examen de la Convention ENMOD (1992) et certaines rencontres internationales sur l'environnement, notamment la Conférence de Rio (1992), le CICR a organisé trois réunions d'experts sur la protection de l'environnement en période de conflit armé. Pour le CICR, la priorité doit être accordée soit à la mise en œuvre effective des règles existantes, soit au développement des moyens permettant de mieux faire connaître et respecter les dispositions relatives à la protection de l'environnement en période de conflit armé. Il n'est donc pas opportun de créer de nouveaux instruments, il faut plutôt améliorer les textes existants et veiller à leur mise en œuvre effective. En clair, le CICR semble plutôt favorable à la mise en place d'un organe expressément désigné pour protéger l'environnement en temps de guerre.
 
Par ailleurs, l'article 8-2) b) iv du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, adopté le 17 juillet 1998, qualifie de crime de guerre « le fait de lancer une attaque délibérée en sachant qu'elle causera incidemment ... des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel... ». Il s'agit ici d'une avancée considérable en matière de « protection » de l'environnement en temps de guerre. Mais certaines interrogations demeurent sans réponse : Qui contrôle l'environnement dans un conflit ? Qui définit l'extension des dommages, leur durabilité et leur gravité ? Peut-on se prévaloir de cette disposition du statut de Rome pour affirmer que la Cour Pénale Internationale protège l'environnement en période de conflit ?
 
Protéger l'environnement suppose de prévenir les atteintes à son intégrité. En la matière, la Cour ne dispose pas de compétence préventive. Une juridiction ne statue qu'en fait et (ou) en droit. La Cour ne mettra en œuvre son pouvoir qu'après avoir constaté que le crime de guerre a été constitué. Donc le dommage aura été déjà créé et il ne restera qu'à sanctionner celui qui en est l'auteur. De même qu'il ne s'agit pas d'éviter qu'il y ait des blessés et des prisonniers, dans un conflit, mais d'éviter que ceux-ci soient tués ou abandonnés sans soins, de même, il ne suffit pas de sanctionner les auteurs des atteintes graves à l'environnement ; il faut éviter que celui-ci subisse des dommages. On ne peut donc se satisfaire de cette compétence de la Cour.
 
En temps de guerre, le sort des victimes humaines est si préoccupant qu'un organe a été expressément désigné pour y veiller : le CICR. Doit-on alors attendre que l'environnement soit entièrement désagrégé au cours d'un conflit avant de prévoir un organisme qui le protège ? Il urge de mettre en place un organisme impartial, susceptible d'intervenir dans les conflits armés, internationaux ou non, et de protéger véritablement l'environnement. Si pour veiller à la bonne application et au respect des conventions des Droits de l’Homme, il a été mis en place différents comités, il est également nécessaire de prévoir des mesures analogues en Droit International Humanitaire. La Résolution 47/37 de l'Assemblée générale des Nations Unies ([xii]) du 15 novembre 1992 n'aboutit pas à la création d'un tel organisme ; elle se fonde néanmoins sur le mandat du CICR en matière de DIH pour lui demander de s'investir dans la protection de l'environnement en période de conflit armé. Il en résulte que la protection véritable de l'environnement, ou le respect des instruments juridiques de protection de l'environnement en temps de guerre, manque encore d'efficacité dans la pratique : un comité international s'impose.
 
Article paru dans la Revue Economie & Humanisme, N°368
 


* Doctorant en droits de l’Homme
([i]) À l'occasion de la Journée internationale pour la prévention de l'exploitation de l'environnement en temps de guerre et de conflit armé.
([ii]) Si la communauté internationale n'en mesure pas la menace, la paix et la prospérité futures de notre planète en dépendent.
([iii]) Stratège, général et militaire prussien, 1780-1831, auteur de l’ouvrage Sur la guerre, publié en 1832.
([iv]) Ses règles doivent être respectées non seulement par les gouvernements et leurs forces armées, mais aussi par les groupes d’opposition armée et toute autre partie à un conflit.
([v]) Les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 (article 3 commun) assurent la protection des personnes en période de guerre.
([vi]) Le Protocole 1 additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, est adopté le 8 juin 1977 par la Conférence diplomatique sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés. Le Protocole 2 additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, est adopté à la même date par le même organe.
([vii]) «La protection de l'environnement en temps de conflit armé», Communautés européennes, Brochure 54 110/85 slnd, p.17-18.
([viii]) Article 194, paragraphe 2 de la Convention sur le droit de la mer, du 10 décembre 1982.
([ix]) La Convention sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles est un instrument de droit international du désarmement s'attachant spécifiquement à la protection de l'environnement en situation d'hostilités. Elle interdit l'utilisation hostile de l'environnement à titre de moyen de combat.
([x]) Le paragraphe 2 de l'article 3, commun aux quatre Conventions de Genève, prévoit que « en cas de conflit armé ..., les blessés et malades seront recueillis et soignés. Un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix- Rouge, pourra offrir ses services aux parties en conflit ... ».
([xi]) Certains souhaitent de plus doter un tel conseil de Casques Verts, qui seront chargés de la protection de l'environnement et des patrimoines mondiaux de l'humanité en temps de guerre.
([xii]) Adoptée au lendemain de la guerre du Golfe de 1990, cette résolution est relative à la protection de l’environnement en période de conflit armé. L’Assemblée Générale de l’ONU y exprime sa préoccupation quant au non-respect des textes internationaux et son soutien à la Croix Rouge pour ses activités en la matière.
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26 janvier 2006 4 26 /01 /janvier /2006 17:32
Droits de l’homme
 
Principes de liberté et d’égalité : quelle réalité sociale en Afrique ?
 
Par Mathieu Dehoumon*
 
 
Avec l'adoption de l'acte constitutif de l'UA en 2000 et des déclarations relatives à la promotion et la protection des droits humains, l’on a véritablement cru en la capacité des dirigeants africains et en leur volonté de prendre publiquement position contre les atteintes aux droits humains dans des États membres, et donc de lutter contre la dégradation des droits humains qui caractérisent de nombreuses régions africaines depuis des décennies[i].
 
En effet, de graves violations des droits humains perdurent encore sur le continent africain. Les zones de tensions restent l’exutoire privilégié de ces exactions. En Côte d’Ivoire, au Zimbabwe, au Soudan (Darfour), entre autres pays, viol, torture, homicides illégaux, disparitions, etc. sont monnaie courante. Ailleurs, c’est l’emprisonnement de leaders politiques d’opposition, menace et harcèlement des défenseurs des droits de l’homme, intimidation du personnel de la justice, etc. Parfois, une minorité d’individus se lève, prend les armes, sème la terreur et s’impose à toute la population. Dans d’autres cas, un individu, fut-il chef d’Etat, sentant prochaine la fin de son mandat, fait changer la constitution pour s’assurer un règne ad vitam au pouvoir. Nombre de situations révèlent aussi que certaines personnes présumées appartenir à une race, une ethnie, une religion ou un parti politique donné, sont exclues de la jouissance de droits sociaux et politiques.
Les instigateurs et acteurs de ces exactions sont généralement connus, mais ils ne sont jamais appelés à réparer les préjudices dont ils sont auteurs.
 Tout porte à croire qu’il n’existe point de justice en Afrique. Pourquoi les droits de l’homme sont-ils foulés aux pieds en Afrique ?
 
Le système juridique des pays africains a longtemps été influencé par de nombreuses sources. Entre autres, les idées marxistes ont consolidé les régimes politiques dictatoriaux et totalitaires des années 70 en Afrique. Ce vent de l’Est qui a soufflé sur les Etats africains a eu comme conséquence immédiate le déclin des principes et valeurs tirés notamment de la Révolution française. Alors que les organisations sous-régionales européenne et américaine étaient en progression dans la mise en œuvre des principes et droits fondamentaux en matière de droits de l’homme, l’Afrique était encore dans la recherche de sa voie de salut.
 
Dans les années 80, l’Afrique se rattrape sous les auspices de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Les Etats africains se dotent d’un instrument régional garantissant le respect et la protection des droits de l’homme et des peuples sur le continent. C’est la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 18 juin 1981, défini comme le véritable outil juridique protégeant ouvertement les droits de l’homme et les libertés fondamentales dans les Etats africains. Elle s’appuie, dans son Préambule, sur les concepts de liberté et d’égalité[ii] et proclame les droits de l’homme et des peuples et les devoirs de l’individu. La Charte crée une Commission aux compétences larges pour assurer la protection et l’effectivité de ces droits. Certains experts des droits de l’homme reconnaissent, d’ailleurs, que le texte africain a eu le mérite et l’originalité de prévoir les devoirs de l’individu au contraire des textes régionaux européen, américain ou arabe.
 
Il faut attendre les années 90, désignées comme période de transition démocratique en Afrique, pour voir un renouvellement du dispositif juridique national des Etats africains. Désormais, la doctrine s’inscrit dans une conception de liberté qui vise à mettre ce nouveau dispositif aux normes du droit contemporain. En Afrique, le « droit occidental » renaît. Les sources d’inspiration marxiste du droit sont délaissées au profit de celles d’inspiration occidentale. La plupart des Constitutions africaines sont révisées et dorénavant élaborées dans un esprit démocratique et dans la perspective de la protection et du respect des droits de l’homme. La nouvelle dynamique a instauré de nombreuses dispositions qui protègent les droits de l’homme en Afrique. Outre les instruments juridiques internationaux auxquels les pays africains ont librement et massivement adhéré, de nombreux textes régionaux sont adoptés par les chefs d’Etat et de Gouvernement lors des Conférences et Sommets africains.
 
Eu égard à un tel développement, on ne peut qu’encourager l’évolution des droits de l’homme en Afrique. Mais il faut se rendre compte qu’il ne s’agit que d’une évolution textuelle, et mieux, d’une évolution relative. Parler de l’évolution textuelle s’entend du double renouvellement des dispositifs juridiques précédents. Il ne s’agit donc pas seulement d’un simple remplacement du corps des textes législatifs et réglementaires mais aussi du changement de la source d’inspiration de ces textes. L’évolution textuelle exprime alors le désir de se conformer à l’air contemporain d’édiction du droit. Quant à l’évolution relative, elle se traduit en terme d’allusion et de comparaison avec la situation actuelle des droits de l’homme en Europe et en Amérique. La situation en Afrique n’égale point celle de ces autres continents mais on y observe un début de mouvement de ces droits.
La préoccupation des droits de l’homme en Afrique est de plus en plus présente et l’attention se focalise de mieux en mieux sur les droits sociaux et politiques dans le quotidien des individus.
Ainsi se justifie la naissance des diverses associations et organisations dont l’objet est, entre autres, leur mobilisation sur la protection et le respect des droits de l’homme. Dès lors, on peut considérer que les droits de l’homme sont une réalité en construction en Afrique. Mais de quelle réalité s’agit-il ?
 
Considérant la situation actuelle en Afrique, on a tendance à dire que les droits de l’homme sont une pure fiction sur le continent, du moins dans certaines régions. En effet, en dépit de l’existence des normes juridiques et des interpellations de la Communauté Internationale représentée par l’Organisation des Nations Unies (ONU), le respect des droits de l’homme n’est pas effectif sur l’ensemble du continent. Comment comprendre que les Africains n’arrivent pas à mettre en pratique les principes et droits fondamentaux universellement définis ? Et pourtant les droits de l’homme sont « inhérents » à la dignité humaine ; ils sont incrustés dans la personne humaine. Soit, mais en réalité, ils lui sont inculqués dès sa socialisation primaire[iii].
 
Pour nombre de jeunes générations africaines encore, leur réalité sociale s’est construite non sur les principes de liberté et d’égalité mais sur les rapports de force et la solidarité. Dans le cercle familial africain, l’enfant est strictement soumis à l’autorité parentale. L’éducation qu’il reçoit procède de beaucoup d’interdictions qu’il ne faut jamais violer sous peine de sanction physique (flagellation) ou morale (malédiction). L’enfant n’a donc pas de choix. Ses choix sont préétablis par les parents ou par le destin : il n’est pas libre et n’a aucun rapport avec l’idée de « liberté ». De même, la nature patriarcale de la société inculque aux enfants la supériorité masculine donc l’impossibilité voire l’inconcevabilité d’une « éventuelle égalité » entre fille et garçon. Jusqu’à une période encore récente, ce formatage est renforcé par l’éducation scolaire qui sonne le glas de la construction de la réalité sociale africaine.
 
Ainsi, les principes de liberté et d’égalité, sans être des valeurs négatives en soi, apparaissent comme des concepts hérités des sociétés occidentales et à la limite, intrinsèquement étrangers à l’individu africain. De ce fait, il a du mal, plus tard, à intégrer ces valeurs au point de les mettre en pratique dans son quotidien. Dans les années 50 ou 60, lorsqu’il s’agissait de procéder ainsi, c’est à dire les mettre en pratique, c’était en effet une commodité, pour en arriver aux indépendances, d’opposer au colonisateur ses propres conceptions en matière de liberté naturelle, d’égalité des races et de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En témoigne encore l’attitude de certaines autorités politico-administratives actuelles.
 
Dans une pareille situation, il est aujourd’hui recommandable d’aller au-delà de la simple interpellation des dirigeants africains. Il s’agira non seulement de sensibiliser les cadres, futurs cadres et tout employé à quelque niveau de responsabilité sur les concepts de liberté et d’égalité – celle-ci étant indispensable même si elle est inaccessible[iv] - mais aussi de développer un véritable système d’éducation aux droits de l’homme (EADH) au bénéfice des populations urbaines et rurales non alphabétisées.
 
 


* Mathieu Dehoumon, Doctorant en droits de l’homme
[i] Déclaration publique de Amnesty International à l’occasion de la tenue de la 6ème Session ordinaire de l’Union Africaine
[ii] Paragraphe 3 de la charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, 18 juin 1981
[iii] BERGER (Peter) et LUCKMANN(Thomas), La construction sociale de la réalité, , Coll. Sociétés, Paris, 1997, p. 222 & svtes.
[iv] ROBERT (Jacques), Le principe d'égalité dans le droit constitutionnel francophone, Cahier du Conseil Constitutionnel, N°3, 1997 ; Cf. www.conseil-constitutionnel.fr/cahiers/ccc3/ccc3rob.htm
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